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En 2017, le réel s’est fait littérature

Une année littéraire écoulée, ce sont des centaines de livres approchés. Certains parcourus seulement, d’autres lus avec attention, peut—être même dévorés avec ferveur. Au fil du temps, certains demeurent grand ouverts à la surface de la mémoire.

Parmi les livres marquants de 2017, l’un des premiers ouvrages découverts lors de la rentrée de janvier: ”Le Silence même n’est plus à toi” de la journaliste et écrivaine turque Asli Erdogan. Une trentaine de textes militants portés par un intense souffle poétique qui ont valu à leur auteure une longue incarcération après le putsch manqué de juillet 2016. Aujourd’hui plane toujours sur elle la menace d’une détention à perpétuité.

Ce recueil publié dans l’urgence en traduction française révélait aux lecteurs francophones une voix puissante capable d’unir l’analyse politique et historique à l’intensité poétique. A travers le filtre de son histoire personnelle, Asli Erdogan y propose une lecture de l’état du monde en proie à la violence et aux bouleversements géopolitiques. A cette analyse du réel dans une Turquie tentée par l’autoritarisme, s’ajoutent des décrochements fictionnels qui signent l’originalité d’une écrivaine d’exception.

Quels mots pour être le ferment d’un monde nouveau, d’un autre monde où tout retrouverait son sens véritable, sur les cendres de celui—ci?

Tragédie proche—orientale

En début d’année, la rumeur de la tragédie proche—orientale est aussi parvenue dans la sphère francophone grâce à la publication de trois ouvrages en traduction française : ”La Terre qui les sépare” du Libyen Hisham Matar (Gallimard) ; ”Frankenstein à Bagdad” de l’Irakien Ahmed Saadawi (Piranha) et ”Cadavre expo” de son compatriote Hassan Blasim (Le Seuil).

Au fil d’un récit autobiographique, le premier évoque la mémoire de son père, farouche opposant à Kadhafi. Alors que les deux autres ont choisi l’outrance pour décrire le chaos qui règne dans leur pays, l’Irak.

Hisham Matar l’affirme : ”Mon livre réunit de nombreux registres. Politique, méditatif, philosophique, historique et journalistique. C’est un défi passionnant que de reprendre les faits historiques et d’en élargir l’espace par le travail de l’écriture”.


Ancrage dans le terrain politique et social

Cette démarche littéraire, très ancrée dans le terrain politique et social (passé ou présent), trouve une résonance avec celle d’Eric Vuillard, lauréat du Prix Goncourt 2017 pour ”L’Ordre du jour” (Actes Sud). En 160 pages serrées, l’écrivain y relate deux moments clés, relégués dans les coulisses de l’Histoire, qui ont préparé le terrain de la Seconde Guerre mondiale. Contrairement aux écrivains cités plus haut, Eric Vuillard n’a pas directement vécu les événements qu’il décrit. Mais comme d’autres auteurs français, il participe à l’élaboration du roman national en l’interrogeant par le geste littéraire.

C’est dans ce même esprit qu’Olivier Guez s’est intéressé à l’un des plus sinistres tortionnaires du régime nazi. ”La Disparition de Josef Mengele” (Grasset) lui a valu le Prix Renaudot.

Ces livres s’apparentent à ce que les Anglo—Saxons nomment narrative nonfiction books, genre dont s’emparent de nombreux écrivains aujourd’hui, largement représenté dans les parutions de l’année 2017. L’attribution du Goncourt et du Renaudot en témoignent : c’est l’écriture qui fait la valeur littéraire d’un texte, que celui—ci s’inscrive dans la fiction, ou non.


https://www.rts.ch/info/culture/livres/9187997—en—2017—le—reel—s—est—fait—litterature.html

25.12.2017
Jean—Marie Felix


 

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